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"Chaque fois, une exposition est une sorte de question posée"

Christian Boltanski


 

Pour la première édition de Monumenta, en 2007, Anselm Kiefer expose dans la nef du Grand Palais son oeuvre Chute d'étoiles. En 2008, c'est au tour de Richard Serra de dérouler sa Promenade. Aujourd'hui, Christian Boltanski installe une oeuvre immense, sonore et glaçante : Personnes.

Personnes, titre de l'exposition, c'est le persona comme masque porté par les acteurs de théâtre. Boltanski parle à travers ce travail de la présence et de l'absence, des limites de l'humanité, de la dimension du souvenir, de la mémoire, de l'inéluctabilité de la mort. Boltanski évoque l'Enfer de Dante comme base de l'exposition.

Personnes est un tableau animé :

- une pince mécanique, allégorie du destin, sorte de "main de Dieu", qui prend au hasard quelques habits sur une montagne de vêtements, les corps de morts. Lorsque la pince relache sa prise, les vêtements en retombant semblent s'animer (dans le sens de l'anima, de l'âme).

- au sol, sur les 13500 m2 de la nef, des vêtements (comme objets montrant l'absence des sujets) sont disposés en rectangle avec des allées, des bornes, des néons...évoquant tantôt un cimetière, tantôt l'univers concentrationnaire.

- en fond sonore, des battements de coeur, un assourdissant bruit de machines, renforcent l'intensité émotionnelle du lieu et donne à l'ensemble sa dimension sacrée.

Dans son ouvrage Le triple jeu de l'art contemporain. Sociologie des arts plastiques (Les Editions de Minuit, 1998), Nathalie Heinich dit : "La défonctionnalisation des objets du monde ordinaire, ce sont aussi ces piles de vêtements que Christian Boltanski entassa sur des étagères dans les réserves du Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris. Humanisés par le fait d'être usagés, donc rattachés aux personnes qui les ont portées, en même temps que présentés dans un musée, donc importables, et accumulés en vrac, donc impossible à référer à leurs possesseurs, ce ne sont ni des déchets, détachés des personnes (car ils en portent encore l'empreinte , et peut-être l'odeur ) ni des objets utilitaires, attachés à des êtres présents (car ils n'appartiennent manifestement plus à quiconque), ni des reliques, attachées à des absents (car leur nombre interdit l'identification). Aussi l'installation confère-t-elle à ces objets du quotidien un statut improbable."

Christian Boltanski espère dévoiler au visiteur "une chose qui était déjà en lui, qu'il sait profondément", il souhaite que le visiteur soit "dedans" et non "devant". Par sa mise en scène, Boltanski crée un lieu de mémoire, invente une histoire collective, éphémère.

Comment ne pas rapprocher et alimenter cet "évènement culturel" du paragraphe avec lequel Freud conclut, en 1930, son livre Das Unbehagen in der Kultur : "La question décisive pour le destin de l'espèce humaine me semble être de savoir si et dans quelle mesure son développement culturel réussira à se rendre maître de la perturbation apportée à la vie en commun par l'humaine pulsion d'agression et d'auto-anéantissement. A cet égard, l'époque présente mérite peut-être justement un intérêt particulier. Les hommes sont maintenant parvenus si loin dans la domination des forces de la nature qu'avec l'aide de ces dernières il leur est facile de s'exterminer les une les autres jusqu'au dernier. Ils le savent, de là une bonne part de leur inquiétude présente, de leur malheur, de leur fonds d'angoisse. Et maintenant il faut s'attendre à ce que l'autre des "deux puissances célestes", l'Eros éternel, fasse un effort pour s'affirmer dans le combat contre son adversaire tout aussi immortel. Mais qui peut présumer du succès et de l'issue?"

 

Gilles Courant / février 2010

 

Quelques vidéos

Les vies possibles de Christian Boltanski - arte.tv

voir la vidéo de arte.tv : cliquez ici

 

voir la vidéo de Connaissance des Arts : cliquez ici

 

 


Anselm Kiefer - Chute d'étoiles

Richard Serra - Promenade

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